L’assurance-vie est souvent perçue comme un simple outil d’épargne, mais elle se révèle également être un mécanisme sophistiqué de transmission de patrimoine, notamment en matière de succession. Grâce à son cadre fiscal spécifique, elle permet d’organiser la répartition de son patrimoine avec souplesse et de limiter la charge fiscale des bénéficiaires, tout en s’adaptant à diverses situations familiales.
Voyons comment fonctionnent l’assurance vie et la succession, quels sont les impacts en matière de droits de succession, et dans quelles conditions cette solution peut être couplée à un testament.
Pourquoi l’assurance-vie est-elle avantageuse en cas de succession ?
Transmission hors succession
Les capitaux transmis via une assurance vie ne font pas partie de la succession légale. Cela signifie que ces sommes :
- échappent aux règles du partage successoral (réserve héréditaire, quotité disponible) ;
- sont versées rapidement aux bénéficiaires, sans attendre la clôture de la succession ;
- peuvent bénéficier d’une fiscalité allégée, voire nulle.
Libre choix des bénéficiaires
Le souscripteur peut désigner toute personne ou entité comme bénéficiaire :
- conjoint, partenaire de PACS ou concubin ;
- enfants ou petits-enfants ;
- amis proches, frères ou sœurs ;
- fondations ou associations d’utilité publique (comme la Fondation de France).
Cette liberté de désignation permet une grande souplesse dans la planification successorale.
Des capitaux exonérés de droits de succession
Lorsqu’une personne décède, ses biens sont normalement soumis aux droits de succession, qui peuvent être considérables. Cependant, dans le cadre d’une assurance-vie, les capitaux versés aux bénéficiaires après le décès du souscripteur ne rentrent pas dans la succession de ce dernier. Ainsi, ils ne sont pas soumis aux droits de succession, ce qui représente un avantage fiscal majeur.
Ce cadre permet non seulement de transmettre plus efficacement des sommes importantes, mais assure également une certaine tranquillité d’esprit au souscripteur, sachant que ses bénéficiaires recevront la totalité des montants prévus sans diminution fiscale.
Assurance-vie et fiscalité successorale
Les abattements de droits de succession de l’assurance-vie
| Pour les primes versées | Avant le 13 octobre 1998 | Après le 13 octobre 1998 |
| Pour les contrats souscrits avant le 20 novembre 1991 | ||
| Primes versées avant ou après 70 ans | Exonération | Abattement de 152 500 € par bénéficiaire. Au-delà, prélèvement forfaitaire de 20 % jusqu’à 700.000 €, puis 31,25 % au-delà. |
| Pour les contrats souscrits après le 20 novembre 1991 | ||
| Primes versées avant 70 ans | Exonération | Abattement de 152 500 € par bénéficiaire. Au-delà, prélèvement forfaitaire de 20 % jusqu’à 700.000 €, puis 31,25 % au-delà. |
| Primes versées après 70 ans | Primes soumises aux droits de succession après abattement global de 30 500 €, pour l’ensemble des bénéficiaires, produits exonérés. | |
Primes versées avant 70 ans
- Abattement de 152 500 € par bénéficiaire ;
- Prélèvement forfaitaire de 20 % de 152 500 à 700 000 € ;
- Prélèvement de 31,25 % au-delà.
Primes versées après 70 ans
- Abattement global de 30 500 €, tous bénéficiaires confondus ;
- Droits de succession au barème progressif sur les primes au-delà de cet abattement ;
- Les produits (intérêts, plus-values) sont exonérés.
Pour profiter au mieux de la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie, il est donc préférable de verser le maximum de primes avant les 70 ans du souscripteur. Après cet âge, bien que les sommes versées bénéficient encore d’un abattement, l’imposition des sommes excédentaires devient moins favorable.
Vous pouvez aussi, par exemple, souscrire deux assurances-vie différentes.
- L’une consacrée plus particulièrement à des personnes physiques sur laquelle vous cesserez d’effectuer des versements à vos 70 ans. Passé cet âge et au-delà de 30 500 € versés, sachez que les bénéficiaires seront soumis à fiscalité ;
- L’autre, dédiée à votre épargne de précaution personnelle ou à vos projets, et qui bénéficieraient à une association ou fondation exonérée d’impôts sur laquelle vous pourrez continuer à effectuer des versements.
À noter : la fiscalité des primes versées après 70 ans ne remet pas en cause la fiscalité des primes versées avant 70 ans.
Exemple de calcul des abattements d’assurance-vie
Monsieur M. a souscrit un contrat d’assurance-vie en faveur de ses deux enfants en 2002. À son décès en 2018, le capital de son assurance-vie est de 200 000 €.
S’il n’a pas effectué de versement après ses 70 ans :
- Montant de l’assurance-vie : 200 000 €
- Abattement : 152 000 € par bénéficiaire
Somme versée à chacun des enfants :
- Part exonérée de droits de succession : 100 000 €
- Reliquat soumis aux droits de succession : 0
S’il a effectué des versements uniquement après ses 70 ans :
- Montant de l’assurance-vie : 200 000 €
- Abattement : 30 500 € à partager entre les deux bénéficiaires
Somme versée à chacun des enfants :
- Part exonérée de droits de succession : 15 250 €
- Reliquat soumis aux droits de succession : 84 750 €
Désigner les bénéficiaires : un enjeu clé
L’assurance-vie permet une grande flexibilité dans la désignation des bénéficiaires, qu’il s’agisse de membres de la famille, de partenaires non mariés, ou d’organisations caritatives. La clause bénéficiaire détermine qui percevra le capital décès. Elle peut être standard (« à mon conjoint, à défaut mes enfants, à défaut mes héritiers »), ou personnalisée.
Dans ce cas, il est recommandé de :
- identifier précisément les bénéficiaires (nom, prénom, date et lieu de naissance) ;
- ajouter des bénéficiaires de second rang en cas de prédécès ou de refus ;
- conclure par « à défaut, mes héritiers » pour éviter la déshérence.
Chaque type de bénéficiaire peut se voir appliquer un régime fiscal spécifique :
- Pour les conjoints et partenaires pacsés : ils bénéficient d’une exonération totale des droits de succession sur les capitaux issus de l’assurance-vie, ce qui renforce l’attractivité de ce véhicule pour la transmission du patrimoine au sein du couple.
- Pour les enfants et autres héritiers : comme mentionné précédemment, un abattement de 152 500 € s’applique au-delà duquel les taux de prélèvement forfaitaire de 20 % jusqu’à 700 000 € puis de 31,25 % s’appliquent. Cette mesure permet de protéger une part significative du patrimoine transmis des droits de succession élevés.
- Pour les bénéficiaires non-parents : l’assurance-vie représente un moyen efficace de transmettre des actifs à des personnes qui, autrement, seraient fortement imposées. En effet, les droits de succession pour les tiers peuvent atteindre jusqu’à 60 % pour les sommes transmises en dehors du cadre familial direct.
Peut-on modifier la clause ?
Oui. Elle peut être modifiée à tout moment, par courrier à l’assureur ou via un avenant. Une clause rédigée avec l’aide d’un notaire permet d’éviter les litiges.
En l’absence de bénéficiaire
Si aucun bénéficiaire n’est désigné :
- les fonds réintègrent la succession ;
- ils sont soumis aux droits de succession classiques ;
- le régime fiscal dépend alors du lien avec le défunt (jusqu’à 60 % de taxation hors parenté).
D’où l’intérêt stratégique de toujours bien rédiger sa clause bénéficiaire.
Assurance-vie et testament : deux leviers à articuler
Le testament ne remplace pas la clause bénéficiaire. Cependant :
- les deux outils peuvent coexister intelligemment ;
- il faut veiller à leur cohérence pour éviter toute contradiction ;
- la clause bénéficiaire l’emporte sur les volontés testamentaires.
Transmettre à une fondation reconnue d’utilité publique
Les organismes reconnus d’utilité publique, comme la Fondation de France, bénéficient :
- d’une exonération totale de droits de mutation ;
- d’une affectation libre ou orientée du capital à une cause choisie (environnement, santé, éducation…).
Exemple :
Une personne verse 100 000 € à la Fondation de France via son assurance-vie. Cette somme est intégralement utilisée pour soutenir des projets d’intérêt général, sans aucun prélèvement fiscal.
Compte tenu de l’évolution constante de la fiscalité et de l’ensemble des questions stratégiques entourant l’assurance-vie, il convient de se rapprocher de son conseiller patrimonial lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie pour choisir celui le plus en adéquation avec ses projets/besoins.