Qu’est-ce que la déshérence ?
La déshérence désigne une situation juridique particulière où une succession, faute d’héritiers légitimes ou testamentaires, est attribuée à l’État. Ce phénomène, bien que relativement rare, pose des questions importantes concernant l’importance de la planification successorale et des dispositions testamentaires claires pour éviter que les biens ne tombent dans l’oubli étatique ou qu’un legs soit considéré en déshérence.
Quelle est la nature de la déshérence, ses implications légales et sociales, et comment s’inscrit-elle dans le cadre plus large de la gestion des successions en France ?
Les fondements juridiques de la déshérence
En droit français, la déshérence survient lorsqu’une personne décède sans laisser de testament, ni d’héritiers légaux connus. Selon le Code civil français, la succession est alors ouverte et, en l’absence de descendants directs ou de testament spécifiant la répartition des biens, l’État intervient en tant qu’héritier ultime. Cette procédure est encadrée par des règles strictes, visant à assurer une recherche exhaustive des potentiels héritiers avant que la succession ne soit déclarée en déshérence.
L’article 768 du Code civil pose également un principe fondamental en matière de succession en déshérence : l’État, en tant que receveur ultime des biens laissés par le défunt en l’absence d’héritiers, s’assure que ces biens sont correctement gérés ou attribués. Cette disposition souligne la responsabilité de l’État dans la protection des patrimoines abandonnés, en veillant à ce qu’ils soient traités avec équité et dans le respect des lois.
L’article 811-2 du Code civil ajoute une dimension temporelle à la gestion de la déshérence. Il stipule que la déshérence d’une succession prend fin avec l’acceptation de celle-ci par un héritier, et ce, dans un délai de dix ans. Ce cadre permet de laisser une période suffisamment longue pour que tous les efforts de recherche d’héritiers puissent être menés à bien, tout en fixant une limite pour clôturer les dossiers et éviter une indétermination prolongée.
Processus de détermination de la déshérence
Le processus commence par une période de recherche, durant laquelle les notaires et les tribunaux tentent de retrouver d’éventuels héritiers. Cette recherche peut inclure des consultations de registres d’état civil, des annonces publiques, et parfois des enquêtes plus approfondies. Si, au terme de cette période, aucun héritier n’est identifié, la succession est officiellement considérée comme déshérente.
Les implications fiscales et sociales
Lorsqu’une succession est dévolue à l’État, celui-ci a la responsabilité de gérer les actifs de manière appropriée. Les biens peuvent être vendus et les fonds ainsi recueillis sont généralement affectés à des programmes d’intérêt public ou à la réduction de la dette publique.
Si le défunt avait exprimé des volontés claires quant à la gestion posthume de ses biens, celles-ci doivent être prises en compte dans la mesure du possible.
La déshérence dans le domaine bancaire et autres
La déshérence ne se limite pas uniquement au cadre familial ou personnel ; elle s’étend aussi à des domaines plus larges, tels que les finances et les entreprises. La notion de déshérence est notamment cruciale dans la gestion des comptes bancaires et des contrats d’assurance.
Depuis l’adoption de la loi du 13 juin 2014, dite loi Eckert, les institutions financières sont tenues de recenser les comptes inactifs et les contrats d’assurance-vie considérés comme en déshérence.
Ce cadre législatif précise que l’inactivité d’un compte est déterminée à la fois par l’absence de transactions autres que les inscriptions d’intérêts ou les débits de frais par l’établissement, et par l’absence de manifestation de la part du titulaire du compte ou de son représentant légal.
L’application de ces principes vise à protéger les droits des individus et à assurer que leurs actifs ne soient pas oubliés ou absorbés sans leur consentement ou sans celui de leurs héritiers légitimes.
Le terme de déshérence est également utilisé pour qualifier des situations où des organisations, des équipements ou des structures sont abandonnés. Cela peut concerner une entreprise sans gestion active, des biens immobiliers sans propriétaire clair, ou même des procédures judiciaires où les parties ont perdu l’intérêt ou la volonté de poursuivre. Cette utilisation plus large du terme reflète la polyvalence et l’étendue de la déshérence comme concept légal et social.