Lorsqu’un décès survient, la question de la résidence principale du couple se pose souvent de manière urgente. Le droit viager au logement du conjoint survivant, prévu par le Code civil, est une mesure légale qui vise à protéger le veuf ou la veuve en lui permettant de conserver l’usage du logement occupé en commun. Ce droit ne concerne que les couples mariés et porte sur le logement qui constituait effectivement la résidence principale du couple au moment du décès. Il ne s’applique que si le logement appartenait exclusivement au défunt ou aux deux époux en pleine propriété.
Le législateur a inséré, par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, deux articles dans le Code civil, afin que ce dernier puisse bénéficier de deux droits spécifiques.
Mais comment fonctionne ce droit ? Et comment s’effectue le calcul du droit viager au logement ? Voici un tour d’horizon complet.
Deux droits successifs : temporaire puis viager
Le droit temporaire au logement (article 763 du Code civil)
Le conjoint survivant dispose tout d’abord d’un droit temporaire de jouissance sur le logement occupé à titre de résidence principale, ainsi que sur le mobilier le meublant. Ce droit, d’une durée de douze mois, est automatique : il ne nécessite aucune démarche et s’impose aux héritiers. Il est financé par la succession, ce qui signifie que les frais afférents (charges, taxes, entretien courant) sont couverts par la masse successorale pendant cette période.
Ce droit temporaire est une créance du conjoint survivant : il ne peut être remis en cause ni par un testament, ni par les héritiers.
Le droit viager au logement (article 764 du Code civil)
Au-delà de ces douze mois, le conjoint survivant peut faire valoir un droit viager au logement, c’est-à-dire le droit de rester dans la résidence principale jusqu’à son propre décès. Contrairement au droit temporaire, ce droit viager n’est pas automatique : il suppose une manifestation de volonté expresse du conjoint survivant dans un délai de douze mois suivant le décès.
Ce droit peut être révoqué par le défunt dans un testament authentique. En l’absence d’une telle décision expresse, le droit viager est ouvert au conjoint survivant.
Comment manifester sa volonté ?
Selon l’article 765-1 du Code civil, il n’existe pas de formalisme imposé. Toutefois, la jurisprudence, et notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2023, rappelle que la simple occupation des lieux ne suffit pas à démontrer la volonté du conjoint survivant. Cette dernière doit être explicite ou tacitement déduite de faits non équivoques.
Des exemples valables de manifestation de volonté peuvent inclure :
- une déclaration dans la succession ou un acte de notoriété mentionnant ce droit,
- une assignation en justice avec demande explicite,
- un acte notarié d’acceptation de succession comprenant la mention spécifique.
En revanche, le simple paiement de factures, l’entretien du bien ou la présence continue dans le logement ne suffisent pas à prouver une manifestation tacite.
Calcul du droit viager au logement du conjoint survivant
Le calcul du droit viager repose sur la valeur de l’usufruit, définie en fonction de l’âge du conjoint survivant et du barème fiscal prévu à l’article 669 du Code général des impôts. La valeur du droit viager est fixée à 60 % de celle de l’usufruit viager.
Exemple : Si le logement a une valeur de 300 000 € et que le conjoint survivant a 79 ans (valeur de l’usufruit = 30 %), l’usufruit est estimé à 90 000 €. Le droit viager est donc estimé à 54 000 € (soit 60 % de 90 000 €). Cette valeur est déduite de la part successorale du conjoint. Si cette valeur excède sa part héréditaire, aucune compensation n’est due aux autres héritiers.
Que devient ce droit en cas de déménagement ?
En principe, le conjoint survivant ne peut pas louer le logement dont il bénéficie au titre du droit viager. Toutefois, en cas de déménagement pour des raisons de santé ou de dépendance, cette interdiction est levée. Les loyers perçus peuvent alors être utilisés pour financer un nouvel hébergement (par exemple, une maison de retraite).
Qui supporte les charges liées au logement ?
Une fois le droit viager reconnu, le conjoint survivant devient occupant à titre d’usufruitier. Il doit donc assumer :
- les charges courantes, comme l’entretien, les taxes d’habitation et foncières ;
- les réparations locatives ;
En revanche, les gros travaux restent à la charge des nus-propriétaires, conformément à l’article 606 du Code civil (réparations des gros murs, poutres, couvertures complètes, etc.).
Pour aller plus loin : le viager sur deux têtes
Dans un viager sur deux têtes, les deux membres du couple sont bénéficiaires de la rente viagère. Au décès du premier, le conjoint survivant continue de percevoir l’intégralité de la rente, ainsi que le droit d’usage et d’habitation à vie.
Exemple : Un couple vend un bien estimé à 400 000 € en viager sur deux têtes. Après une décote d’occupation de 47,3 %, la valeur d’occupation est de 189 200 €. Le capital restant à répartir est de 210 800 €, avec un bouquet de 50 000 € et une rente mensuelle de 975 €. Le conjoint survivant percevra cette rente jusqu’à son décès.
Un droit à connaître pour protéger le conjoint
Le droit viager au logement du conjoint survivant est une sécurité juridique importante pour éviter la remise en cause de la stabilité du logement. Il ne doit pas être confondu avec un droit de propriété : le conjoint survivant reste simple usufruitier.
Pour les couples sans enfants communs ou en cas de famille recomposée, il est conseillé d’anticiper ces questions en rédigeant un testament ou en ayant recours à une donation entre époux.
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